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Le blog de laboheme

7 août 2006

Contes des (Côtes-d'Armor)

Ah ! que de belles légendes en mon pays, je vais essayer de vous en faire profiter un peu, voila un moment que je ne les lisai plus, mais je m'apperçois quelles me font trembler et frissonner toujours autant !

Vous avez surement deja entendu parler un soir autour du feu, de L'Ankou ! L'ouvrier de la mort (oberour ar maro).
Dans chaques paroisses l'Ankou est présent, représenté comme un être sans âge, d'aspect non distinct puisque couvert par une cape, souvent noire. mais mieux vaut ne pas le rencontrer, il tiens à la main une faux au tranchant tourné en dehors, son char (karr an Ankoù, karrigell an Ankoù) est la charette dans lesquelles on tranportait autrefois les morts.
Lorsqu'un vivant entend le bruit de la charrette, c'est qu'il ne va pas tarder à passer de vie à trépas. On dit aussi que celui qui aperçoit l'Ankou meurt dans l'année.

En voici deux contes;


La route barrée

Trois jeunes gens, les trois frères Guissouarn, du village de l'Enès, en Callac, revenaient d'une veillée d'hiver dans une ferme assez éloignée de chez eux. Pour rentrer, ils avaient à suivre quelques temps l'ancienne voie royale de Guingamp à Carhaix. Il faisait temps sec et claire lune, mais le vent d'est soufflait avec violence.

Nos gars, que le cidre avait égayés, chantaient à tue-tête, s'amusant à faire résonner leurs voix plus fort que le vent. Soudain, ils virent quelque chose de noir au bord de la douve. C'était un vieux sécot de chêne que la tempête avait déraciné du talus.

Yvon Guissouarn, le plus jeune des trois frères, qui avait l'esprit enclin à la malice, imagina un bon tour.
- Savez-vous ? dit-il, nous allons traîner cet arbre en travers de la route, et, ma foi, s'il survient quelque roulier après nous, il faudra bien qu'il descende de voiture pour déplacer l'arbre s'il veut passer.
- Oui, ça lui fera faire de beaux jurons, acquiescèrent les deux autres.

Et les voilà de traîner le sécot de chêne en travers du chemin. Puis, tout joyeux d'avoir inventé cette farce, ils gagnèrent le logis. Ils ne couchaient pas dans la maison. Pour être plus à portée de soigner les bêtes, tous trois avaient leurs lits dans la crèche aux chevaux. Comme ils avaient veillé assez tard et qu'ils avaient en plus la fatigue d'une journée de travail, ils ne furent pas longs à s'endormir. Mais, au plus profond de leur premier somme, ils furent réveillés en sursaut. On heurtait avec bruit à l'huis de l'étable.

- Qu'est-ce qu'il y a? demandèrent-ils en sautant à bas de leurs couchettes.
Celui qui frappait se contenta de heurter à nouveau, sans répondre.

Alors l'aîné des Guissouarn courut à la porte et l'ouvrit toute grande : il ne vit que la nuit claire, n'entendit que la grosse haleine du vent. Il essaya de refermer la porte, mais ne put. Les forces de ses frères réunies aux siennes ne purent pas d'avantage. Alors, ils furent saisis du tremblement de la peur et dirent d'un ton suppliant :
- Au nom de Dieu, parlez! Qui êtes-vous et qu'est-ce qu'il vous faut ?

Rien ne se montra, mais une voix sourde se fit entendre, qui disait :
- Qui je suis, vous l'apprendrez à vos dépens si, tout à l'heure, l'arbre que vous avez mis en travers de la route n'est pas rangé contre le talus. Voilà ce qu'il me faut. Venez.

Ils allèrent tels qu'ils étaient, c'est-à-dire à moitié nus, et confessèrent par la suite qu'ils n'avaient même pas senti le froid, tant l'épouvante les possédait tout entiers. Quand ils arrivèrent près du corps de l'arbre, ils virent qu'une charrette étrange, basse sur roues, attelée de chevaux sans harnais, attendait de pouvoir passer. Croyez qu'ils eurent tôt fait de replacer le sécot de chêne à l'endroit où ils l'avaient trouvé abattu. Et l'Ankou - car c'était lui - toucha ses bêtes, en disant :

- Parce que vous aviez barré la route, vous m'avez fait perdre une heure : c'est une heure que chacun de vous me devra. Et si vous n'aviez pas obéi incontinent à mon injonction, vous n'auriez dû autant d'années de votre vie que l'arbre serait resté de minutes en travers de mon chemin.

(Conté par un maçon. Callac.)


Le char de la mort

C'était un soir, en juin, dans le temps qu'on laisse les chevaux dehors toute la nuit.

Un jeune homme de trézélan était allé conduire les siens aux près. Comme il s'en revenait en sifflant, dans la claire nuit, car il y avait grande lune, il entendit venir à l'encontre de lui, par le chemin, une charrette dont l'essieu mal graissé faisait : Wik! wik!

Il ne douta pas que ce ne fût karriguel ann Ankou (la charrette, ou mieux la brouette de la Mort).
- A la bonne heure, se dit-il, je vais donc voir enfin de mes propres yeux cette charrette dont on parle tant!
Et il escalada le fossé où il se cacha dans une touffe de noisetiers. De là il pouvait voir sans être vu.

La charrette approchait. Elle était traînée par trois chevaux blancs attelés en flèche. Deux hommes l'accompagnaient, tous deux vêtus de noir et coiffés de feutres aux larges bords. L'un d'eux condusait par la bride le cheval de tête, l'autre se tenait debout à l'avant du char.

Comme le char arrivait en face de la touffe de noisetiers où se dissimulait le jeune homme, l'essieu eut un craquement sec.
- Arrête ! dit l'homme de la voiture à celui qui menait les chevaux .
Celui-ci cria: Ho! et tout l'équipage fit halte.
- La cheville de l'essieu vient de casser, reprit l'Ankou. Va couper de quoi en faire une neuve à la touffe de noisetiers que voici.
- Je suis perdu! pensa le jeune homme qui déplorait bien fort en ce moment son indiscrète curiosité.

Il n'en fut cependant pas puni sur-le-champ. Le charretier coupa une branche, la tailla, l'introduisit dans l'essieu, et, cela fait, les chevaux se remirent en marche. Le jeune homme put rentrer chez lui sain et sauf, mais, vers le matin, une fièvre inconnue le prit, et le jour suivant, on l'enterrait.

(Conté par François Omnès de Bégard, plus connue sous le nom de Fantic Jan ar Gac (Françoise [fille de] Jeanne Le Gac). - Septembre 1890.

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